Réaction de Julian Clarenne et Cecilia Rizcallah à la carte blanche « Le retour à l’Etat de droit est une urgence absolue »

Postée sur Twitter, voici la réaction de Julian Clarenne (chercheur en droit parlementaire et membre du Circ) et Cecilia Rizcallah (Professeure invitée à l’Université Saint-Louis, et chargée de recherches FNRS en droit européen des droits fondamentaux) à la carte blanche « Le retour à l’État de droit est une urgence absolue » (LaLibre, 14/10/2020)
« Avec tout le respect que j’ai pour les signataires de cette carte blanche, dont la cause est noble (rappeler l’importance de l’Etat de droit en temps de crise et les dérives dans l’adoption de certaines mesures) celle-ci me pose problème sur plus d’un point au niveau juridique 1/8
Comment peut-on soutenir que le pouvoir d’élaborer des lois est l’apanage du seul Parlement, et que le gouvernement n’a qu’une mission d’exécution ? C’est non seulement erroné sur le plan constitutionnel, mais irréaliste et contre-factuel 2/8
Comment peut-on soutenir que la fin des pouvoirs spéciaux mettait un terme à la possibilité pour les gouvernements de prendre des mesures « d’exception », alors que lesdites mesures n’ont pas été prises sur la base des pv spéciaux, mais de la loi de sécurité civile ? 3/8
Comment peut-on considérer que les Parlements n’ont pas eu leur mot à dire, alors qu’ils ont fait un travail de contrôle politique permanent, en interrogeant chaque semaine les ministres sur leur action (parfois avant l’adoption des mesures critiquées), et en débattant à posteriori de la gestion de crise au sein de commissions spéciales ? 4/8
Comment peut-on affirmer de manière péremptoire que les mesures prises ont été adoptées « en violation manifeste des principes élémentaires de notre système démocratique », sans développer d’arguments sur une question pourtant juridiquement sensible et controversée ? 5/8
Comment peut-on ne pas rappeler que les droits fondamentaux concernés par les mesures ne sont pas absolus, et que les limitations ou dérogations qui leur sont reconnues participent à leur effectivité, dès lors qu’elles sont prises dans le seul but d’endiguer l’épidémie et donc, de protéger les droits fondamentaux des citoyens 6/8
Le registre alarmiste de cette carte blanche, appelant à « un retour de l’Etat de droit » en Belgique, pose enfin question au regard des défaillances systémiques bien réelles qui se jouent dans d’autres États européens 7/8
Il me semble, à titre personnel, que plus de nuance et moins de mélange des genres aurait été souhaitable dans le cadre d’une critique – tout à fait audible – des mesures adoptées pour lutter contre la pandémie 8/8 »
Réponse à la carte blanche « Le retour à l’Etat de droit est une urgence absolue », publiée par la Libre le 14 octobre 2020.