Colloque Gouvernement des juges : une accusation, une vertu et une analyse critique

Le professeur Sébastien Van Drooghenbroeck est invité à faire les conclusions du Colloque « Gouvernement des juges: accusation, vertu et analyse critique », organisé le jeudi 10 octobre 2019 (de 9h à 17h) à l’Université Libre de Bruxelles.

Dirigé par Manuella Cadelli et Jacques Englebert, ce colloque aura vocation à étudier à frais nouveaux le célèbre concept de « gouvernement des juges » à la lumière du contexte politique renouvelé dans le cadre duquel il est aujourd’hui invoqué. Il offrira également un regard critique sur l’office du juge.

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Présentation du colloque : La notion de gouvernement des juges reproche de longue date aux acteurs du monde judiciaire qui contrarient les autres pouvoirs constitués, l’ambition de s’ériger en législateur et de violer le principe de la séparation des pouvoirs. 

Le soupçon est aggravé par le populisme qui dénonce le juridisme droits-de-l’hommiste du monde judiciaire singulièrement en droit pénal et en droit des étrangers, en le désignant comme ennemi des peuples. 

Certains constitutionnalistes écartent ce grief, décrivant au contraire le pouvoir judiciaire comme un acteur institutionnel habile, par la vertueuse disputatio qu’il impose aux gouvernants, à approfondir par le droit, le jeu démocratique entre les élections, au seul service des gouvernés. Les cours constitutionnelles ne sont-elles pas en première ligne pour jouer ce rôle essentiel ? 

Face à cette hubris supposée des juges, un recadrage autoritaire s’impose-il ? La véritable reprise en main de la sphère judiciaire par le pouvoir politique qui s’observe en Europe, au travers de cures d’austérité ou de réformes qui menacent son indépendance ne permet-elle pas de le penser ? L’on songe à l’exemple de la Turquie, paroxystique mais révélateur d’une tendance lourde qui marque désormais, à des degrés divers, les relations entre justice et politique. 

Ceci ne permet pas toutefois d’évincer l’analyse critique de l’office du juge proposée par la sociologie. La justice, spécialement pénale, ne constitue-t-elle pas systémiquement un formidable outil de gouvernement des masses au seul service de l’ordre établi et des puissances en place ? Et les avocats n’ont-ils pas régulièrement l’occasion de nourrir un avis sévère sur cette question tant le travail des juges serait souvent en deçà du besoin de justice de chaque justiciable que Simone Weil décrivait comme « ineffaçable au coeur de l’homme » ? 

Face à ces tensions, le New Management Public appliqué à la justice a-t-il renforcé cette fonction particulière exercée au service d’une démocratie pérenne ou au contraire validé une justice docile, expéditive et peu soucieuse d’humanisme ? 

À l’occasion des 40 ans de l’Association syndicale des magistrats, son conseil d’administration et l’Unité de droit judiciaire de l’ULB ont voulu affronter, au vu de son actualité et de son caractère essentiel dans l’équilibre démocratique, ce reproche constant du gouvernement des juges en tentant d’en proposer un approfondissement et une analyse critique. Fidèle à la doctrine de questionnement de l’ASM, la critique du fonctionnement de la justice du fait des juges n’a pas été évitée.